Lorsque je quitte Venise, ce matin du 3 juin 2012, je ne suis pas seul. Me croirez vous, il vient d'Argentine et son prénom c'est Agustin. Non je n'invente rien, j'ai découvert la ville avec Agustina, la belle argentine, je la quitte avec Agustin, le bel argentin, rencontré deux jours plus tôt au bed and breakfast.
Me voilà donc sur le chemin du départ.
Ici le voyage se termine une seconde fois, avec cette dernière page d'écriture.
Dernière page comme conclusion au voyage, ce n'est pas la plus facile à écrire : je suis partagé entre deux sentiments contradictoires, la satisfaction d'arriver au bout de quelque chose, un accomplissement, et de l'autre, l'envie de prolonger au travers du dessin, ce plaisir d'écrire, et de réécrire ma vie, mes péripéties, mes états d'âme.
Tout ceci m'amène à quelques réflexions personnels sur les différents moyens d'expressions qui m'ont permis de partager ce voyage.
1/ De la photographie :
"De retour de voyages, on ramène des photos, toi tu ramènes des dessins" me souffle Ottaviano proche compagnon de solitude. La photographie comme le dessin servent de supports à nos discours. deux expressions différentes de témoignages, l'une assurément plus objective que l'autre.
Pendant quelques années, du temps de la photographie argentique, j'ai plusieurs fois endossé l'habit de photographe. J'étais de cette minorité adepte de "l'instant décisif", qui "sauvait" le réel de l'anéantissement. Paradoxalement, j'ai abandonné ce rôle avec l'avénement de la photographie numérique et sa vulgarisation. Là encore, cela ne veut pas dire que je photographie moins. La révélation argentique a fait place à la révolution numérique. Je photographie tout , c.à.d, n'importe quoi, n'importe où, n'importe quand, et le plus souvent avec mon téléphone. Des photos que je cache dans un fichier, ou que je publie sur le net, mais que je ne regarde plus et oublie la plupart du temps. Je consomme l'image comme tout le monde.
Si j'ai abandonné le rôle de photographe parceque tout le monde photographie, ce n'est pas le cas du dessin.
2/ Du dessin et de l'écriture :
Si j'ai délaissé ma pratique du dessin depuis quelques années, je dois bien me rendre à l'évidence : je découvre avec ces voyages, l'intérêt du dessin dans sa fonction de"témoignage" et comme moyen d'expression artistique révélateur d'une sensibilité. Le caractère unique du dessin de voyage par son graphisme, c.à.d, le trait de l'artiste, possède une identité propre. ce n'est pas le cas de l'image photographique et de son objectivité graphique.
Je me réjouie d'y avoir associé ma pratique de l'écriture.
Je n'aurai jamais imaginé lier ma pratique du dessin à celle de l'écriture de façon aussi naturelle, et y trouver une telle complémentarité entre les deux pratiques. Ici, l'écriture est l'expression de la réflexion à l'inverse du dessin qui est l'expression de l'instant.
Pourtant, là aussi, je n'ai repris ma pratique de l'écriture qu'au début de cette année, avec une correspondance que j'entretiens avec une amie parisienne, après une parenthèse de presque dix ans.
j'ai des rapports particuliers avec l'écriture. J'ai longtemps été poursuivi par un espèce de culpabilité, qui est née en 6°, dans la classe de français de Mde Clamens. Avec mes lacunes et ses reproches, je croyais que le rêve d'enfant d'écrire un livre, être écrivain, ne verrait jamais le jour. Un échec à l'épreuve de français du BAC a renforcé l'idée que je ne maîtriserais peut-être jamais cette langue.
Afin de développer ma pratique de l'écriture, ce n'est qu'à la rentrée scolaire de ma licence d'arts-plastiques que je décidais de commencer ce qu'on appelle un journal intime. Etrangement, un peu plus d'un an après, je rencontrais mon professeur de français Mde Clamens, avec une émotion dissimulée. C'étais un soir de pluie à la fin du siècle dernier, au théâtre des treizes vents, et j'étais doublement lié à l'écriture puisque j'étais en compagnie de Vanessa, une amie dont j'étais épris, et qui découvrait mes premièrs poèmes et mes "élucubrations épistolaires".
Quelques mois plus tard, je continuais l'exploration de cette expression artistique avec l'atelier d'écriture de Nicole Robert ; ce qui aboutirait, l'année suivante, à la création d'un recueil de poèmes intitulé "Rencontres de saisons".
Madame Clamens est aujourd'hui une de mes clientes au magasin de couleurs où je travaille, c'est avec grand plaisir et beaucoup de reconnaissance que je lui vends de la peinture et des pinceaux.